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toujours déçus, ni la vie qui mène à la mort, ni la mort qui nous jette dans l’insondable mystère. Dans ces jours, l’âme a la sensation de se tenir seule dans ce tout qui n’est rien, et dans un mouvement éperdu d’impuissance, elle crie à Dieu : « Il n’y a que Toi ! »

C’est à ce cri, à ce sentiment de foi, et d’abandon que nous amènent les désillusions, les vides, l’inachevé de tout ce qui nous a séduits, et à bien observer autour de soi, on peut voir peu à peu se dessiner le chemin de Dieu s’ouvrant dans la vie de chaque âme. On le voit quelquefois plus clairement dans la vie des autres que dans la sienne propre.

Le premier tracé est souvent le choc de la rencontre du rêve de la jeune fille à peine femme et de la grossière réalité qui la fait reculer… puis la vie commence à se dérouler terne et quelquefois dure : chaque jour enlève une illusion et recule un peu le voile, et l’âme désappointée s’écrie : « Ce n’est donc que cela l’amour, le bonheur ! » — Après ce premier heurt, l’âme se ressaisit, et se dit que, puisqu’il faut vivre avec les autres, il faut penser comme eux, agir comme eux… elle oublie ses rêves puérils, et la voilà qui se matérialise : à respirer l’air ambiant, elle devient lourde : elle replie ses ailes, elle suit tout le monde sur les grands chemins de la vie. Frivole, agitée, elle pense peu et se laisse vivre.