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de branches cassées et une voix connue la tirent de son extase. — Que fais-tu là, Petite Lumière, toute seule dans la nuit ?

La voix grave, le beau visage impassible du jeune chef ne trahissent aucune émotion, pas même la surprise. Troublée, la jeune fille baisse les yeux sans répondre. Il insiste, avec, dans la voix, une note impérieuse, à laquelle elle cède : — Je demandais aux Âmes de me rendre ton cœur, Nitahokan. — Mon cœur cherche le tien, Petite Lumière, et quand trois lunes auront vécu, j’irai trouver ton père, et je lui dirai : « Donne-moi ta fille, je veux en faire ma femme. »

Un éclair de joie illumina la figure de la jeune fille et cependant elle répondit froidement : — Je ne serai ta femme, Nitahokan, que si tu rends à la Robe Noire l’objet du Mauvais qui retient dans ses feuilles maudites tes yeux et ton cœur. — Tais-toi, Petite, tu n’as pas d’esprit, fit-il condescendant et flatté de la jalousie de la jolie enfant. Le livre ne vient pas du Mauvais, il me rendra savant, aussi savant que les chefs blancs, aussi sage peut-être que la Robe Noire ! — À rien ne sert d’être si savant et si sage, mon cœur ; en seras-tu plus habile chasseur et plus brave guerrier ? Je ne serai jamais heureuse si tu mets ta pensée dans ce livre qui t’éloigne de moi ! Rends-le à la Robe Noire, il est vieux et il lui appartient d’être sage ! Aime-moi, Nitahokan, cela seul est bon !