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Il me semble que c’est ainsi que nous devons aller vers l’infini, vers Dieu, touchant aux choses de ce monde, participant à la vie universelle, mais toujours entraînés vers notre fin dans un mouvement qui soit notre joie et notre fierté. C’est quand nous entrerons dans l’infini, dans cet océan de repos, que toutes nos activités et toutes nos angoisses auront leur pleine signification. En attendant, je crois que la perfection de notre but prête une grande beauté aux imperfections de nos efforts pour l’atteindre.


LXII

Les nénuphars


Le silence m’isole délicieusement dans la beauté de ce clair après-midi : le soleil inonde les champs d’or, et l’eau, à mes pieds, sans une ride, est un miroir sur lequel courent des nuages vaporeux, et où s’allongent les longues tiges brunes des nénuphars, dont les petites têtes blanches et fermées se tournent vers le soleil, avides de plus de chaleur et de plus de lumière. J’essaie de lire, mais mes yeux reviennent aux grands champs où pas une tige ne bouge, au lac immobile et brillant, aux nénuphars qui seuls ne semblent pas dormir, et dont l’effort vers le plein épanouissement est presque visible et les rend très vivantes.

Elles ressemblent aux âmes tendues aussi vers la lumière, mais dont les racines,