C’est à donner envie d’être homme pour aller voir ce qui se passe dans cette singulière colonie de vieilles filles, qui, je me l’imagine, ressemblent aux hommes qu’elles prétendent détester. Je dis « prétendent », parce que leur dernière clause me paraît louche, et dans dix ans, la colonie pourrait fort bien être peuplée normalement, et ce sera la fin d’un rêve ! Il est évident que ces femmes s’ignorent elles-mêmes quand elles croient sincèrement préférer se passer des hommes. Elles commenceront leur vie nouvelle avec ardeur, mais outre la fatigue physique, l’ennui « naîtra de l’uniformité », ou peut-être aussi, — tout est possible, — du peu d’entente entre ces femmes qui ne seront pas plus disposées à céder à leurs compagnes qu’aux hommes qu’elles fuient, et sans concessions réciproques, on sait que les communautés comme les ménages deviennent des enfers.
C’est après quelques combats à la fourche et au râteau que nos fermières se diront que la vie normale, malgré ses inconvénients, est peut-être encore la plus heureuse !
Si jamais j’apprends quelque chose sur leur sort, j’aurai du plaisir à vous le communiquer.
En attendant, voyons ce qu’il y a de bon dans le projet de ces Américaines ; cet amour de la vie agricole devrait être encouragé dans nos campagnes qu’abandonnent tant de jeunes femmes et de jeunes filles pour venir dans les villes faire un travail d’esclave