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nouveler le monde, et son royaume est proche. » Bien avant nous, la France a entendu les anges. L’Esprit s’y est réveillé, ardent et merveilleux, et les vertus sublimes ont fleuri dans des milliers d’âmes que le poids des choses matérielles écrasait. Soulevée par le danger, l’indignation sainte, l’amour de la patrie, la douleur purificatrice, l’âme de la France a ébloui le monde et ses ennemis ont dû avouer qu’ils l’avaient méconnue.

Et pendant que s’opérait ce réveil miraculeux, là-bas, que devenaient nos âmes, ici ? Ont-elles eu la générosité qui fait le sacrifice régénérateur ? Je m’incline avec admiration et attendrissement devant les mères : aussi bravement que les mères de France, elles ont donné le sang de leur cœur en souriant à leur petit qui s’en allait. Mais en dehors d’elles, je vous le demande, qui a compris que l’Esprit annoncé par les anges, l’Esprit qui doit renouveler le monde devait d’abord s’établir dans les âmes ?

Hélas ! hélas ! ne semblons-nous pas ignorer, même en face de la grande misère de la guerre qui ruine l’Europe, que l’aisance, la sécurité, le luxe sont des biens secondaires qu’on peut légitimement désirer, mais pas au point d’oublier dans leur poursuite, ou notre inquiétude de les perdre, le grand drame qui se poursuit là-bas et qui affecte l’humanité entière ? Notre égoïsme est si étroit et s’étale de façon si humiliante que bien d’autres avec moi ont dû en rougir.