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terre nus où il passe léger et fleuri, semant la vie. J’entends le cri désolé des mères : « Vous parlez de joie, et nos fils s’en vont et nos cœurs sont déchirés ! » Comment pouvez-vous croire que j’oublie la tristesse des départs prochains, de cet arrachement que nous n’avons pas voulu et auquel il faut consentir ! Et je dis pourtant que le printemps apporte la joie divine même à celles qui pleurent. Faites un grand silence en vous-mêmes, regardez au profond de votre cœur, vous l’y découvrirez, cette joie profonde d’avoir fait à vos fils une âme qui s’élève dans l’épreuve et qui l’accepte ; ils vous étonnent par leur fermeté, vous sentez qu’ils feront honnêtement et bravement le devoir dur mais grand et beau qui leur est imposé. Tout ce qui est généreux et viril en eux grandira dans l’oubli d’euxmêmes, et vous serez fière de votre soldat, pauvre mère qui cachez vos larmes afin de donner tout votre courage à votre petit qui compte sur vous.

Nos petits ! Sont-ils autre chose à vingt ans ? Et ne les sent-on pas davantage, nos petits, lorsqu’on nous les prend ? Et ils nous sont toujours pris par quelqu’un ou par quelque chose. Ils ne sont bien à nous que lorsque nous leur faisons un berceau de nos bras et qu’ils ne peuvent se passer de leur maman. Plus tard, ils sont de nous, faits de nos tendresses, de nos sollicitudes, de la sève de nos âmes, et notre suprême consolation, c’est de les découvrir un jour des hom-