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XLVIII

La petite sourde-muette


Vous pensez peut-être que, dans tout le pays, il n’y a pas une seule jeune fille qui file au rouet ?

Il y en a une au moins… et je l’ai vue ; et il y en aura d’autres bientôt, car, je vous connais, ô chercheuses de fantaisies nouvelles. Vous désirerez maintenant un rouet qui chante pendant que votre petit pied pédale et que la laine blanche court entre vos doigts fins.

Ma fileuse n’habite ni une grande ni une petite ville. En pénétrant dans la vieille maison où les chemins de neige me conduisirent par tant de détours, j’ai pensé que je rêvais une des belles histoires qui enchantèrent mon enfance.

Une domestique ridée, noire, aux yeux durs, propre comme un sou neuf, et vêtue comme si elle sortait d’un coffre fermé depuis soixante ans, m’ouvrit la porte, et je fus tout de suite en présence d’un vieillard droit, sec, très digne dans sa longue redingote noire et sous la calotte de velours que dépassaient ses cheveux blancs. Sa fille, la maîtresse de maison, arriva tout essoufflée, hospitalière, un peu cérémonieuse pour commencer, mais si parfaitement aimable pour l’amie de ses amis. Quand elle fut calme, sa figure me plut, la bonté y était imprimée, et dans ses