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La vieille, raide et défiante, ne nous laissa pas une seconde. Je dis gaiement à la petite femme : — Et quand y aura-t-il un berceau dans cette jolie maison ? — Avant qu’elle ne pût me répondre, la vieille jeta rudement : « Les temps sont trop durs, j’espère ben qu’il n’y aura pas d’enfant de sitôt ! » C’était la confirmation de tout ce qu’on m’avait dit au village et que j’hésitais à croire. Cette vieille femme n’a pas de cœur et que Dieu ait pitié des malheureux condamnés à vivre avec elle !


XLII

Le secret de son cœur


La lumière se meurt, le vent fatigué s’est tu, aucune étoile ne brille au ciel sombre, et le soir est triste comme la guerre et lourd comme les deuils de la terre.

Les mains calleuses du vieux maître de poste n’ont rien trouvé pour moi dans le sac regardé avec tant de convoitise, et je reviens lentement par la petite rue étroite et vieillotte où l’herbe pousse entre les planches du trottoir. L'angélus, tout à l’heure, la remplissait de sonorité dévote, mais c’est maintenant un silence à me faire croire que je suis seule dans ce village assoupi.

Pourtant en approchant des dernières maisons, je vois quelqu’un qui veille dans l’ombre grise. Assise sur le perron, la jeune