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de bon. presque en face du cimetière. Il faut de l’aide et du temps pour dégager l’auto, et j’entre avec ma compagne dans le cimetière propret où un vieil homme est en train de ratisser les allées. Dans tous les enclos, le gazon est fin et vert et les plantes poussent leurs petites têtes rousses à travers la terre brune. Un grand Christ, au centre, étend ses bras au-dessus de tous ces morts qui dorment dans le printemps sans le voir : le vent est caressant, les oiseaux pépient et on ne sent dans ce cimetière ensoleillé que de la douceur et de la paix. Nous suivons lentement les allées en lisant les inscriptions et nous nous arrêtons devant celle-ci : Stéphanie X, épouse de X, morte à vingt-six ans, le cinq juillet 1891. Autour de la croix de pierre, cinq petites croix de bois portent des noms de bébés de trois mois à deux ans, morts depuis 1912.

C’est étrange… et pendant que nous nous livrons à des suppositions, le vieux jardinier s’approche de nous. — Vous êtes des parentes ? dit-il en étendant la main vers le monument. — Non, et nous sommes intriguées. Qui est cette jeune femme au milieu de tous ces petits enfants ? — C’est la grand’mère des p’tits. — Leur grand’mère ! à vingt-six ans ! fait étourdiment mon amie. Il sourit narquoisement : — À vingt-ans ans on peut avoir eu plusieurs enfants, à preuve qu’elle en a laissé quatre. Ils sont tous mariés, et tous les ans, ma chère dame, ça achète ! Alors sur le nombre, il en meurt