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sans doute que je ne suis pas encore arrivée à lui ressembler.


XXXVIII

Désillusion


Une pluie fine et continue bat les vitres et le bruit de l’averse sur le toit me rend le silence de mon petit salon presque insupportable. C’est comme si la chère solitude tant aimée devenait aujourd’hui agressive et méchante et me disait : « Enfin, je te tiens ! Tu ne m’échapperas pas et je te ferai souffrir si je veux ! »

Et je lui demande en vain le vague de ses rêves, la magie de ses souvenirs, l’écho des joies heureuses ; elle s’y refuse rudement, et son langage austère m’écrase le cœur, m’enlève mon courage et ma belle ardeur à vivre ! Je sais qu’il y a, de par le monde, des êtres à l’écorce épaisse qui ne se laissent pas affecter par la couleur du ciel. Mais on les trouve peu parmi les femmes qui sont rarement assez raisonnables pour ne pas se laisser attrister par les choses tristes, et qu’y a-t-il de plus triste qu’un ciel qui pleure en faisant la terre noire et lamentable et une solitude qui, à la ritournelle monotone de la pluie, se fait perspicace et trop brutalement sincère ? Nous avons tant besoin de nous aveugler sur les mobiles des actions et des opinions humaines ; à trop réfléchir, à trop analyser nous déchi-