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XXXIV

Le rêve bienfaisant


On m’écrit souvent que je suis une Fadette bien sage et bien sérieuse, mais on ne sait peut-être pas que je suis une Fadette qui adore la solitude. Et, qui a vu, dites-moi, une femme solitaire qui ne soit pas un peu une rêveuse à ses heures ?

Je rêvais donc tout à l’heure à tous les rêves qui s’essaiment par le monde quand le soir descend et que l’âme veut s’échapper du laid. Je les voyais, ces rêves, monter des villages blancs semés le long du fleuve, et des grandes villes où les maisons s’entassent. Ils s’envolent des cœurs jeunes qui espèrent tout, et des cœurs vieux qui ressuscitent les joies perdues, et quoique différents, ils se ressemblent par un point ; ce sont des rêves de bonheur, des aspirations vers ce qui n’est pas et pourrait être, et l’humanité toute entière me paraît tendue vers le Bonheur comme un immense parterre de fleurs vers le soleil.

Le Bonheur, cette réalité vivante, insaisissable pour quelques-uns, éphémère pour tous, pour laquelle nous vivons, que nous ne cessons de chercher et d’attendre, quel problème pour celui qui refuse d’en chercher la solution hors de cette vie ! D’ailleurs, la vie elle-même n’est-elle pas une énigme incompréhensible et désespérante pour qui ne veut pas