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XXXII

Le cheveu


J’ai retrouvé mon âme campagnarde, et je suis tellement villageoise que je ne prends pas ma plume sans prendre en même temps le désir de vous raconter les petites histoires du village : elles sont simples et fraîches, et elles vous arriveront toutes parfumées de sapin, car mon village est planté sur le flanc d’une montagne, et après la dernière maison de la grande rue, on entre dans une sapinière où erre sans trêve un murmure, vague, très doux, comme une romance sans paroles de Mendelssohn qui serait fredonnée à mi-voix. Quand je vous aurai raconté les petites histoires du village, je vous dirai peut-être ce que les grands pins se disent en se balançant dans l’ombre.

Ce soir, il s’agit d’un cheveu, d’un cheveu blond, très long et très fin ; et il a une histoire ?

Parfaitement.

Elle est bien humble la propriétaire du cheveu : elle a une petite âme inquiète et triste, un cœur assoiffé de tendresse… et elle vit toute seule avec un grand chien un peu féroce, qui veille sur elle avec force grognements peu aimables pour ceux qui sont le moindrement familiers. Et elle coud, elle coud, du matin au soir. C’est la seule couturière du