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de n’avoir rien à vous dire, mais qui vous aime bien, tous mes amis lointains.


XXX

À la montagne


« J’ai une maisonnette si haut perchée dans la montagne que je l’ai appelée « Le nid d’Aigle », c’est là que vous viendrez me voir et tout de suite », m’écrivait mon amie. Il avait fait si chaud ce jour-là ; j’avais entendu, mêlées au bourdonnement des mouches, les rumeurs plus agaçantes encore des petits cancans hebdomadaires et j’étais lasse ; je trouvais mon village petit !… La tentation de m’en sauver fut trop forte, et me voici, la tête perdue dans les nuages, dans ce nid d’aigle suspendu dans une sapinière qui embaume et où ne vivent ni les mouches, ni les cancans ! On y entend les oiseaux, les feuilles et les sources qui chantent, on y voit des petits brouillards qui s’enroulent autour des cimes comme des écharpes d’argent… et beaucoup de vert de toutes les teintes et un peu de bleu dans le ciel, du bleu qui ne saurait créer des diables comme dans les vallées d’en bas !

J’ai rêvé le jour, luné le soir, et dans ce paysage de légende sont remontés de mes souvenirs très lointains les contes qui ont charmé mes quinze ans, et qui me semblent aujourd’hui remplis de choses profondes que je ne pouvais deviner autrefois.