Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, première série, 1914.djvu/74

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Marie par le sentier qui conduit au cimetière et de là à l’église. Je me sentais si heureuse de vivre, qu’à l’entrée du cimetière j’hésitai, prise du scrupule d’apporter ce rayonnement de vie parmi les pauvres morts. Mais là aussi les lilas bercés par un vent léger jetaient le parfum de leur beauté, là aussi l’air était très doux et toutes les tombes ressemblaient à de grandes corbeilles fleuries. Je traversai légèrement cet étrange dortoir où dormaient tant d’inconnus ; machinalement je m’agenouillais avant de franchir la grille, quand j’entendis distinctement un sanglot, et me retournant, j’aperçus un petit garçon qui pleurait à chaudes larmes. Je le questionnai d’abord vainement : il ne répondait pas et tenait son visage caché sur son bras. Mais je m’assis près de lui et à force de diplomatie, j’arrivai à lui faire lever la tête. Je le reconnus alors : un bon petit gamin que nous appelons l’étourneau au village, à cause de ses mines d’oiseau vif et de son étourderie où il n’entre pas un grain de malice. Mais voilà ! La vieille parente qui le garde depuis deux ans que son père est mort, n’a peut-être pas beaucoup de patience et elle traite tragiquement les sottises du pauvre gosse. Or, dans l’après-midi, mise au courant par une voisine d’une nouvelle espièglerie du petit diable, elle conclut la gronderie par ces paroles cruelles : « Serais-tu un mauvais cœur, et vas-