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Mais le vent du Nord, jaloux et mauvais, s’est déchaîné et les petites pointes vertes ont noirci dans la tourmente puis du ciel de plomb, la pluie glaciale s’est mise à tomber lamentablement comme les malheurs sur les pauvres !

Et maintenant, voilà tous les arbres écrasés par la glace qui les courbe : leurs branches sont étreintes brutalement et enfermées toutes vives dans la cuirasse froide et étincelante qui étouffe les minuscules bourgeons. Le moindre mouvement les fait gémir ; elles grelottent, essaient de se rapprocher les unes des autres et se brisent en se frôlant.

Pauvres arbres ! Ils ressemblent étrangement à une petite âme humaine rencontrée sur ma route. Elle était un peu engourdie dans un isolement triste qu’elle avait cru éternel : soudain, l’air s’adoucit autour d’elle, il y passait un grand frisson qui la fit tressaillir. C’était la vie sommeillant en elle qui se remettait à chanter : elle écouta le chuchotement mystérieux et un peu confus des voix intérieures qui s’élevaient et montaient, montaient, et bouleversée, ravie elle se demanda incertaine : « Mais, suis-je bien moi ? » et « n’ai-je plus sommeil ? »

Que lui arrivait-il ? L’éternelle aventure humaine ! Une autre âme passait, l’attirant subtilement dans son rayon, l’enveloppant d’effluves sympathiques, lui communiquant une force mystérieuse et douce, et sous l’in-