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juge et ne se lasse jamais de se faire entendre, ne devenant muette que pour ceux qui la tuent… et même alors, qui nous dit qu’elle n’a pas des résurrections éclatantes ?

La foule, attentive et émue, écoute, et il me semble percevoir le battement de tous ces cœurs humains remués par l’âpre parole de l’apôtre qui dit à pleine voix l’histoire secrète de chacun. Et voilà toutes ces vies, divisées en tableaux fugitifs mais distincts, qui se déroulent, éclairées au profond de l’âme, par le flambeau vivant qui a parlé et qui parlera. Et toutes ces femmes sont penchées vers le passé : celles qui n’ont jamais réfléchi et celles qui se sont regardées vivre.

Elles revoient leur âme de jeune fille si blanche et si calme, où la conscience, en harmonie avec la conduite, discute rarement et parle plus pour encourager que pour blâmer. Puis voilà qu’elles apprennent la vie, l’amour, la souffrance, et elles voient un jour que le mal est partout dans le monde ; ou bien, elles l’ignorent, ne veulent pas y croire, et il entre quand même dans leur vie et les épouvante. Elles revivent les heures troublées où elles ont été tentées, elles revoient leurs victoires si douloureuses, elles souffrent encore de leurs défaites. Leur conscience toujours active et ardente, droite, impérieuse, inflexible, s’est faite le bourreau qui tourmente, le juge qui condamne, le gardien qui protège : elle a vécu à travers toute leur existence d’une vie