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que je m’amuse, que me font la couleur du ciel et les chansons du vent ? »

Rien, je le sais bien, et c’est justement ce que déplore votre grande amie.


XIV

Amis


Une belle « bordée » de neige a enfin rendu possible la promenade projetée. Dans l’air sec et léger les clochettes de l’attelage brillent et s’agitent en faisant une musique que n’entendent pas les passants distraits, mais leur chanson d’argent, monotone et douce, berce le rêve des deux amis enfouis dans les fourrures épaisses sur la route ouatée de neige. Ils s’en vont loin, loin des tramways et des autos, loin du tapage et des gens qui se bousculent ; ils vont à la découverte d’un coin féérique dont l’ami a dit des merveilles à son amie.

Ils montent par des chemins toujours plus blancs, laissant en arrière la fumée et la laideur grises ; ils montent, et le cheval, animé par l’air vif, file comme le vent. La montagne, là-bas, semble fermer l’horizon : recule-t-elle à mesure qu’ils approchent ? Mais non, voici la forêt fleurie de neige étincelante ; chaque branche noire porte son petit fardeau de blancheur, et à perte de vue, les champs se déroulent, d’un blanc immaculé qu’aucun pied humain n’a touché : purs et pointillés de lumière, ils vont