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LETTRES DE FADETTE

Ils ne nous connaissent pas comme nous sommes, mais comme nous nous faisons pour eux, à cause de leur éloignement deviné et senti si douloureusement.

Qu’y a-t-il à faire ? Rien. Quand vous n’avez pas appris l’hébreu, vous ne vous étonnez pas de ne pas comprendre ces Juifs qui causent près de vous ? Eh bien, cette âme et la vôtre parlent chacune une langue inconnue à l’autre… et vous ne pourriez même l’apprendre ! Résignez-vous, soyez douce à l’« autre » qui souffre comme vous, et n’essayez pas des rapprochements impossibles. Surtout, n’en voulez jamais à ceux qui ne sont pas plus coupables que vous « de ce qui est », en dehors de leur volonté.


LVII

Le refuge


En ces courtes journées de novembre, l’ombre, en s’appesantissant sur la ville, semble en chasser la joie et faire sortir toute sa lassitude et toute sa misère ! On va dans la nuit, accablée soi-même de la fatigue de ces pauvres gens qui se bousculent aux coins des rues et les grappes humaines accrochées aux tramways nous font soupirer : « Jamais, jamais on ne réussira à transporter chez eux tous ces travailleurs qui n’en peuvent plus ! »

Elle paraît si dure la vie de ces pauvres