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LETTRES DE FADETTE

vent avoir en réserve des trésors de bonté, mais elles ne savent pas l’exercer : leur vie se passe entre le désir de faire du bien aux autres et le regret de ne l’avoir pas osé.

C’est Maeterlinck qui nous dit de ne pas laisser la Bonté, vivre en nous comme une prisonnière à qui l’on défend d’approcher des barreaux de sa prison. La comparaison est saisissante ; elle nous permet d’apercevoir, en une vision rapide, tant d’êtres qui refoulent leur sensibilité, et cachent, comme si elle était laide, la Bonté repoussée au fond d’eux-mêmes.

Cette timidité de ce qui est meilleur en nous est une infirmité morale dont les parents sont très souvent responsables. Ils n’ont pas su créer dans les âmes qui leur étaient confiées la confiance qui s’élance, la pitié qui pleure, la bienfaisance qui veut soulager, la simple complaisance qui est heureuse de se gêner pour rendre service. D’un mot sec, d’un geste brusque, ils ont repoussé l’offre timide, l’avance discrète ou la caresse tremblante, et sans souci de blesser la petite âme transie, ils n’ont pensé qu’à eux, à leurs soucis, à leur difficultés ! Ils se sont répandus en plaintes si amères sur la dureté de leur vie, que les enfants ont cru que leurs parents leur reprochaient d’exister, et leur cœur s’est replié, rapetissé et quelquefois durci.

Ils sont sortis de la famille ayant perdu confiance en eux-mêmes, habitués à se dé-