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les poètes, les fleurs et les étoiles qui ont une âme et qui parlent ; pour les audacieux, les récits d’aventures périlleuses où le héros est constamment triomphant et invincible ; pour les romanesques, les mariages des bergères et des rois ; pour les vaniteuses, la liste des robes couleur de clair de lune et des voiles tissés d’or fin.

Ce temps est bien loin. Pour la plupart, le souvenir des contes qui ravissaient notre enfance est perdu. Les rêveurs seuls, — toujours un peu poètes, — persistent à chercher dans les choses, une âme qu’ils entendent dans le silence de la campagne, et comme dans les contes, les petites âmes exquises des fleurs douces ou tragiques leur racontent leur histoire. Et distraits, absorbés, tout au désir de ne pas perdre un mot de leurs confidences, ils excitent l’étonnement d’abord, et puis la méfiance des gens qui savent tout juste voir le trottoir et les maisons.

Vous voyez poindre une histoire ? Elle est d’hier : un très vieil ami à moi, devenu sourd à la suite d’un accident, se retira à la campagne, dans une vieille maison longtemps inoccupée, qu’il habitait seul avec une vieille servante douée de toutes les vertus, mais d’une laideur pointue phénoménale.

Dès leur arrivée ils excitèrent la malveillance. Avec la timidité habituelle des sourds, lui ne cherchait pas à lier connaissance, et la vieille femme, imitant son maître, refusait