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LETTRES DE FADETTE

les bûches flamberont dans l’âtre, que le silence sera moëlleux, que je me sentirai si doucement à l’abri, ce sera une volupté d’entendre se déchaîner la tempête dehors !

En attendant, avec l’ombre qui envahit la chambre, entrent les souvenirs : ils se pressent, se poussent, chuchotent en se bousculant. Chacun veut être celui qui m’absorbe, et pour attirer et retenir mon attention, il réveille un froissement familier, un parfum léger, un rien… mais ce rien me remet dans le passé avec une autre âme, la première, celle que ma mère palpait et dépliait délicatement pour mieux connaître sa petite fille !

Vous le savez, n’est-ce pas, que nous avons plusieurs âmes, et c’est quand je regarde la flamme se tordre en léchant les pierres noircies que je les évoque toutes, et qu’elles m’apparaissent si distinctes que je leur donnerais à chacune leur âge !

La première qui vient danser devant mes yeux éblouis, c’est une petite âme toute neuve, curieuse de tout, d’une blancheur qui rayonne : elle s’ouvre confiante à la joie d’exister et elle s’épanouit dans les belles tendresses familiales. Bientôt, à cette âme il a poussé des ailes qui l’enlevèrent dans l’azur des rêves jeunes…

Puis à mesure que la Vie s’approchait, voulait être regardée en face, arrachait les voiles, chargeant le cœur des devoirs qu’elle imposait, les ailes devenaient trop