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LETTRES DE FADETTE

leurs voix s’élevaient, gémissaient, hurlaient et le sang se glaçait dans mes veines.

J’ai entendu des sapins pleurer comme des petits enfants perdus, crier comme des femmes torturées, sangloter et gémir comme de pauvres âmes humaines désemparées, et je crois que rien n’est plus impressionnant que ces voix dans la nuit, innombrables, variées à l’infini : on les croirait de l’autre monde et on a peur quand elles s’unissent en ce chœur affolé.

Et elle est bien mystérieuse et invincible la peur que nous avons de tout ce qui viendrait de l’autre monde… elle est lâche puisque nous aurions peur même de ceux que nous aimons s’il leur était donné de nous apparaître. C’est une des tristesses de la mort, de penser que lorsque nous serons disparus à notre tour, personne ne désirera plus nous voir, et que la pensée que notre ombre pourrait les approcher, ferait frémir de terreur ceux que nous aimons si tendrement !

Dans nos âmes, quand la tempête gronde, il y a aussi des voix, les voix de notre passé qui est notre autre monde peuplé d’ombres dont quelques-unes nous appellent et nous troublent, d’autres nous font trembler, toutes nous font pleurer quand leurs voix s’élèvent et que de l’abîme de nos âmes les souvenirs surgissent pour nous torturer.

Le passé, n’est-ce pas, c’est l’irréparable, « l’irretrouvable », et lorsque les joies per-