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très loin, loin du froid qui transit, des tempêtes qui hurlent, et de la neige qui ensevelit si lamentablement toute la vie radieuse que nous aimons.

Je pense, en voyant le nombre incalculable de leurs petites armées si bien organisées, qu’ils sont venus en plus grand nombre encore, et qu’il a dû en mourir sur les bords des toits, dans les gazons des jardins, sur la mousse des bois… ils sont morts, mais nul ne sait ce que deviennent leurs petits squelettes. La curiosité de votre amie Fadette a bien cherché, et depuis des années, à découvrir au moins un de ces petits morts emplumés. Inutilement… et quand il fait un temps velouté, et caressant comme aujourd’hui, j’imagine des fantaisies que je ne vous demande pas de croire… mais, qui sait, si, affolés par une souffrance inouïe et inconnue, ils ne s’élancent pas éperdument dans l’azur, toujours plus haut, si haut qu’ils ne reviennent pas et sont recueillis par la Bonté Suprême dans un paradis d’oiseaux où tous leurs maux sont finis ?

Les oiseaux cachent leur agonie comme certaines femmes cachent la douleur qui remplit leur cœur.

Elles ont déjà été heureuses, éblouissantes de grâce et de jeunesse : le bonheur est perdu, mais elles ne cessent de se parer, de sourire, de faire des petits gestes vifs et charmants, de semer de la lumière sur leur route, au point