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mélancolie ont pris ce parfum doux des feuilles qui meurent en octobre ! Et cette fantasmagorie nous suit, nous enveloppe, et nous allons comme dans un rêve, toujours plus loin sur la route et plus profond dans notre cœur.

Tout ce passé remué nous rend vivants nos chers disparus, et pour les retrouver, leur parler de très près, nous allons dans le grand cimetière solennel et silencieux, nous nous agenouillons sur les tombes où dorment nos aimés, et c’est là un bonheur, un bonheur voilé d’une tristesse mystérieuse et chère, où notre cœur vit, parle et balbutie comme lorsque, tout petits, nous étions bercés dans les bras qui se sont glacés. Nous entendons fredonner les berceuses et l’écho des contes qui nous ont charmés… un profil fin s’estompe vaguement dans un geste de caresse au-dessus de notre petit lit d’enfant… puis tout s’efface, car les yeux d’étoiles se sont fermés, les lèvres aimées se sont tues… et il y a de cela si longtemps, si longtemps ! Les feuilles qui tournoient dans l’air amolli ont tant d’années recommencé leur ronde de mort depuis que la mère couchée là, sous le gazon, s’est endormie pour toujours ! Les petits ont grandi, ont souffert, ont compris un jour de quelle tendresse la mort les a privés, mais ils sentent, aux heures graves de la vie, que dans leur âme, il en est resté quelque chose de très bon qui les pousse au bien, qui les garde du mal.