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XLVI

Nos morts


Voici revenue l’époque des longues promenades sous les ciels gris si doux, dans les sentiers perdus que l’automne fait plus larges et plus éclairés. Sur les buissons rouges, les feuilles tiennent à peine : un frisson du vent, une caresse de la main, et elles se détachent une à une, et tombent tout doucement. On n’entend qu’un léger froissement, et cependant… ne perçoit-on pas comme les pas d’un être invisible qui marche avec nous ! C’est le pas de l’Automne qui avance grave et triste, enlevant aux arbres tout vestige de vie, portant avec lui dans son parfum de feuilles fanées, tant de souvenirs qui tressaillent et remontent des profondeurs de notre âme, formant des tableaux successifs où toute notre vie apparaît comme dans un merveilleux cinématographe.

Voilà nos jeux d’enfants, nos plongeons dans les amas de feuilles roses et or qui sentent bon, nos retours d’école, et nos récoltes de senelles et de noix dans les sacs de cuir où les livres disparaissent sous nos trésors ; voilà les rêveries de la fillette prise par la griserie de l’automne et sentant sur ses joies d’enfant de petits brouillards vagues qui la charment et l’ensorcellent. Voici les heures d’ombre lourde, et les heures de grands bonheurs radieux ! Tant d’espoirs, d’amour, de regrets, de