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avoir élevé une grande famille. Petit à petit la couvée s’est dispersée, les uns pour chercher fortune ailleurs, les autres pour se construire un nid à leur tour. On a voulu l’emmener, mais elle n’a pas consenti à quitter la maison où elle a vécu, aimé, souffert, et elle me dit souvent : — Je les attends, tous mes petits : ils sont partis heureux, mais les heures mauvaises viendront, hélas, et ils me trouveront ici quand ils auront besoin d’un abri maternel et d’une protection souveraine. Quand la vie les meurtrira, ils se souviendront que la vieille mère les attend à « la maison » pour les consoler.

Oh ! ce retour à « la maison » ! S’y sentir chez soi, s’y revoir petit enfant, revivre doucement ou douloureusement son passé, c’est un bonheur, vous le savez tous. Mais quand la pensée d’une séparation définitive nous envahit, quand nous nous représentons qu’un jour l’étranger s’emparera peut-être de ces lieux qui nous tiennent si fort au cœur, c’est une angoisse, et alors nous comprenons mieux la vieille mère fidèle qui s’est vouée à la solitude pour retarder l’abandon douloureux et pour garder le plus longtemps possible à ses « petits », comme elle dit, le refuge où ils retrouveront un peu de la sécurité de leur enfance dans la tendresse maternelle toujours attentive et fidèle. Malgré son grand âge, elle a non seulement le souci de conserver, mais celui d’embellir sa maison, et chaque petite