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tendu condamner : l’oppression du faible par le fort.

On m’a déjà dit : Oh ! ces petites persécutions forment le caractère.

Je crois, moi, qu’elles déforment le cœur des persécuteurs et rendent bien triste la vie des petites victimes qui perdent la joie et la confiance : la confiance dans les autres et la confiance en eux-mêmes. Pour peu que ce vilain jeu se prolonge, il tue l’esprit d’initiative et tel enfant qui fût devenu actif et heureux, est pour toujours voué à la timidité et à la gaucherie souffrantes.


XLIV

La mère


À l’extrémité du village, et loin du chemin, sur une pointe qui domine le fleuve, la longue maison au toit pointu et aux larges fenêtres à petits carreaux est recueillie et silencieuse. Quand j’y arrive, presque tous les jours, je pénètre dans le jardin comme dans une chapelle : les vieux arbres soupirent des prières, le parfum des plates-bandes fleuries monte comme un encens ; tout au fond, sous la tonnelle, comme dans une niche, apparaît la figure sereine et creusée de rides de la sainte qui ferait aimer la vertu au diable, si jamais il venait rôder autour d’elle. Mais il s’en garde bien, le malin !

Ma vieille amie vit là bien seule, après y