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mais parce que le temps est venu de commencer les études sérieuses… mais j’ai cru voir que les impressions désagréables créées par les anciennes menaces lui rendent le départ encore plus pénible. En vrai petit homme, il n’aime pas à me « dire » que l’inconnu de cette vie nouvelle lui fait peur, mais en vraie femme je l’ai bien deviné. Je l’ai encouragé, mais au fond de mon cœur j’ai eu moi-même une grande inquiétude : je crains que cette petite nature affinée, délicate, épanouie, dans la sincérité et la tendresse, ne soit désemparée quand elle sera mise en contact avec ces gamins rudes, tapageurs et malappris qui seront ses compagnons. Il leur ressemble si peu ! Ils le prendront en grippe parce qu’il est poli, bien élevé, délicat, qu’il parle correctement, et s’ils le prennent en grippe que d’avanies l’attendent ! Les garçons en bandes sont méchants comme des petits loups : ils ont honte de laisser voir leur sensibilité, et afin qu’on ne puisse les soupçonner d’être bons, ils deviennent cruels.

Je puis me tromper, mais il semble que dans les écoles et les collèges on néglige de faire l’éducation du cœur de ces jeunes enfants, qui apprendraient cependant aussi aisément à être généreux qu’à être lâches ! Je crois que les professeurs se désintéressent beaucoup de ce qui se passe dans les cours de récréation, où cependant il se joue des tragédies plus souvent qu’ils ne le soupçonnent.