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sur le visage aimé, mais ne les signalez pas ; et si vous surprenez la petite fêlure dans le rire dégagé, demandez-vous ce qui fait souffrir, mais ne le demandez pas à celui qui semble vouloir le cacher.

Enfin, — il faut bien finir par le dire, — sachez vous taire à propos, mais que votre cœur veille et ne laisse pas échapper le plus léger indice de joie ou de chagrin.

D’ailleurs, qu’importe que vous sachiez le pourquoi d’une tristesse ? Votre mission est d’entourer de douceur et de confiance l’âme en désarroi qui cherche un refuge où il aura la paix !

C’est cela que ne comprennent pas tant de femmes aimantes et fines, et cependant si gauches avec ceux qu’elles aiment. Soyez patientes, qu’on se repose près de vous, et vous ne tarderez pas à être l’aimée, la confidente chère. Rien ne prépare mieux une femme à être le repos des siens que d’avoir souffert elle-même, d’avoir en vain cherché la solitude et le silence, d’avoir été blessée par des questions maladroites dont le cœur garde la cicatrice, d’avoir eu horreur des vains bavardages qu’il faut endurer, d’avoir été condamnée à parader avec un sourire figé sur les lèvres quand tout l’être aurait crié d’angoisse éperdue.

C’est quand une femme a subi ce martyre qu’elle a les délicatesses silencieuses, les effacements volontaires et les aveuglements