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venir triste. Ô miracle ! Le thème était un chant grave et serein, et les petites cascades, autant de sourires et de caresses qui s’enroulaient autour de la joie qu’il dégageait… et dans mon cœur heureux qui se croyait au-dessus et au-delà des tristesses communes aux mortels ordinaires, la belle sonate ajoutait quelque chose de très pur, de très noble, comme de grandes ailes à mon âme qui voulait s’élancer !

Et quand la vie dure eut commencé son œuvre inexplicable et incompréhensible aux pauvres humains qu’elle meurtrit si impitoyablement, je retrouvai la sonate dans une église où par les voix éperdues de l’orgue, elle montait en détresse et en soupirs vers le Dieu puissant qui semble parfois dans sa gloire oublier la pauvre misère humaine. Je la reconnaissais et ce n’était plus elle ! Et les souvenirs qu’elle évoquait doublaient l’angoisse de l’heure cruelle où je me sentais sombrer.

Et ainsi la divine mélodie va à travers le temps et le monde ; créée par le génie d’un être humain qui a fait passer en elle tous les mouvements d’un cœur vibrant que rien ne laisse indifférent, nous croyons qu’elle est triste, sereine ou douloureuse parce qu’elle prend la nuance de nos âmes vivantes, mais elle est toujours la même dans son essence qui est la Beauté, et cette Beauté se dégage dès qu’elle entre en contact avec nos âmes si diverses et cependant si profondément sembla-