Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, première série, 1914.djvu/104

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dehors et au-dessus de leurs sympathies, de leurs préjugés et de leurs antipathies.


XL

La Sonate


Oh ! la hantise de certaines phrases musicales qui vous accompagnent à travers la vie et qui ont si bien pris l’accent et la couleur de tant d’heures différentes de votre existence qu’elles sont comme un morceau sonore de votre âme !

Telle une sonate de Beethoven, que mes plus lointains souvenirs entendent sortant un peu assourdie, à travers la porte de la salle de musique, et dont le thème répété et recommencé sans cesse se mêlait à la récitation des leçons, aux coups secs du signal de bois, au tintement agaçant d’une clochette fêlée, au bruit continu et ennuyeux de la classe qui se traîne entre quatre murs blancs, quand, au dehors, par la fenêtre ouverte, la lumière gaie et le chuchotement du printemps vous appellent ! La mélodie douce que je distinguais, se déroulant dans la cascade montante et descendante des notes légères, finissait toujours par faire surgir une petite angoisse vague qui grandissait, grandissait et du cœur gagnait les yeux qui se remplissaient de belles larmes qu’il fallait refouler !

Un jour, je pus moi-même la jouer cette sonate que j’aimais, mais dont j’avais un sou-