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que le souvenir enfermé dans la maison close où ils ont tant aimé et tant souffert.

Ce souvenir est plus poignant dans ce renouveau du printemps qui ressuscite les choses mortes et laisse dormir les pauvres morts ! Hier, je m’arrêtai émue devant la maison : un couple d’amoureux passait… le rire clair de la jeune fille me remplit les yeux de larmes. Je pleurais sur l’autre que j’ai connue, et sur celle-ci que je ne connais pas ! Je pleurais sur notre aveuglement et notre ignorance à tous.

Je suivais des yeux ces jeunes qui s’en allaient dans la lumière, interrogeant l’avenir et l’appelant dans un désir éperdu d’être plus heureux encore.

Et le bonheur qu’ils rêvent les empêche probablement d’apprécier à sa valeur celui qu’ils tiennent ; et ils comptent pour rien, ou si peu, d’être jeunes, amoureux, de croire à la vie et au bonheur, parce qu’ils ne veulent penser qu’à demain, ce demain qui peut être la mort de leur belle confiance, ou la fin de leur vie !

Et c’est l’Humanité entière qui marche ainsi, pressée, mécontente du présent, inquiète, tendant les bras vers un lendemain chimérique et dédaignant l’aujourd’hui lumineux et serein.

Et il fallait peut-être qu’il en fût ainsi, afin que, leurrés par l’appel du lendemain, nous allions inlassables, d’un espoir à un désappointement, d’une joie à un deuil, toujours