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la petite maison fermée se dresse muette, sans regards, sans vie… et pourtant non ! fermée et muette, soit, mais tragique et vivante, elle a une âme que l’on sent encore vibrer de sanglots. C’est qu’elle a contenu d’inexprimables douleurs, la petite maison qui avait été installée avec tant de sollicitude aimante pour recevoir le jeune couple qui semblait l’incarnation du bonheur humain.

Six mois d’un bonheur très doux, puis une chute fatale du jeune homme causa une lésion grave du cerveau : il flotta entre la vie et la mort : il ne mourut pas ; ce fut pire, il perdit la raison et il fallut l’emmener un jour, car la jeune femme allait accoucher. Elle mourut, en donnant naissance à un petit être frêle qui s’éteignit aussi, peu après. Et l’on ferma la maison.

Toute leur histoire tient dans ces quelques lignes ! Leur grand bonheur et leur grand malheur a tenu aussi dans si peu de jours et dans si peu d’espace ! Et tout cela, on le sent quand on passe devant la maison fermée. À l’écart des autres, dans le mystère des grands arbres qui la couvrent de leur ombre, elle a bien la tenue discrète, l’attitude douloureuse et farouchement silencieuse de la jeune femme dont le cœur a saigné, là, jusqu’à en mourir.

Ce beau printemps me rappelle le jour de leur mariage. Ils étaient radieux et beaux, on avait envie de joindre les mains devant leur extase. Et après un an, il ne reste d’eux