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plus spirituel, — dans tous les sens que comporte ce mot, — que ceux qui ne savent pas regarder plus haut que leur nez et qui critiquent d’instinct les tendances idéalistes.

Au fond, ce qu’on vous reproche, c’est de vivre trop au-dessus des réalités et de ne pas vous contenter de « l’ordinaire » des communs mortels. Ce n’est pas moi qui vous en blâmerai ! Pour ce qu’elles sont drôles les réalités et les choses faciles à atteindre !

Je suis plutôt tentée de vous dire ce qu’écrivait Emerson à une de ses amies : « Attelez votre charrette à une étoile ». On ne réussit pas à les décrocher, cela vaut mieux de s’y attacher.

Notre charrette, vous l’avez bien compris, c’est notre vie fruste, banale, dont l’allure lourde, pour être transformée, a besoin d’être entraînée vers les régions supérieures et de s’attacher, même de loin, à un centre de lumière.

Je sais bien qu’il ne faut ni ignorer, ni mépriser les réalités ; mais ce danger n’est vraiment pas bien à craindre ! Que nous le voulions ou non, elles s’imposent, les réalités, et bon gré mal gré, il faut les subir. Je vous l’assure, personne ne les endure plus aimablement que les idéalistes qui s’en reposent dans un monde à eux : des étoiles qu’ils aiment pleuvent des rayons qui embellissent même la banalité.

Atteler sa charrette à une étoile, ce n’est pas ignorer l’existence de la laideur et de la