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quand on souhaite le bonheur de ceux que l’on aime.

Hélas ! elle est morte… et il se demande avec angoisse s’il a fait la vie douce à cette enfant brusquement transplantée dans ce pays isolé, séparée de ses parents, privée du confort dans lequel elle a grandi, obligée de lutter contre tant de difficultés inconnues ? Quel gardien a-t-il été ? L’a-t-il assez protégée contre les duretés de la vie ? L’a-t-il assez aimée pour lui donner une compensation digne de ses sacrifices ?

Voilà des jours et des semaines qu’il se pose ces questions troublantes, et il est venu revoir la petite maison où, trois ans, ils ont vécu ensemble ; et maintenant il revit son manque de compréhension, ses exigences de maître impatient, son aveuglement stupide quand sa pauvre petite femme commençait à dépérir.

Jamais elle ne s’est plainte, jamais elle ne lui a fait un reproche, mais voilà qu’aujourd’hui, tout ce qui se plaint dans l’air, le vent d’hiver, l’eau qui dégouline du toit, la planchette qui gémit au bout de sa corde, ont pris la voix de la petite morte et lui disent : « Tu me laissais mourir ! »

Ô la pensée angoissante ! Il vivait près d’elle sans connaître ce qui se passait dans cette petite âme craintive et fermée. Eut-elle des douleurs insoupçonnées et d’amers regrets ? Eut-elle l’appréhension de la mort ?