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IX

Les cierges


Dans les églises désertes, quand le crépuscule est percé de rares lumières, j’aime à m’approcher des autels où la Vierge, blanche et lumineuse, se dresse comme une apparition, et là, dans le silence vaguement parfumé d’encens, j’entends le grésillement des gerbes de cierges : ils se consument, montent en petites flammes ardentes ou coulent en larmes brûlantes, et il me semble voir les mains frêles et blanches ou les vieilles mains plissées et dures qui ont planté là, non des cierges de cire, mais des cœurs, leurs cœurs vivants et éperdus qui tremblent de reconnaissance ou d’angoisse, et qui, ne trouvant pas de mots pour dire leur âme, se sont mis à brûler en se consumant. Et de m’imaginer ce que chaque cierge représente de foi, d’espérance, de douleur, d’amour divin ou humain, me donne le désir de prier pour l’humanité entière : pour le petit enfant qu’un regard dur épouvante, pour la jeune fille que la trahison affole, pour la femme qui sent son cœur piétiné par celui qui l’avait imploré à genoux, pour l’homme que la fortune trahit et que les amis abandonnent, pour les malades qui ne peuvent accepter la mort, et pour ceux qui l’appellent comme une délivrance ; je prie pour les exilés et pour les abandonnés, pour les isolés et les