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oublier les secrets qu’on lui confie afin d’échapper à la tentation d’en parler.

Cela prouverait qu’il y a, par-ci par-là, des êtres humains qui ne trahissent jamais la confiance qu’on leur témoigne : l’embarras, c’est qu’ils n’ont rien qui les distingue des autres. Si donc vous avez beaucoup à risquer, défiez-vous de toutes les confidences. Gardez vos propres secrets et n’exigez pas des autres une discrétion que vous pratiquez si difficilement.

Pour moi la discrétion va bien plus loin que de taire ce qu’on lui confie : elle ne révèle pas non plus ce qu’elle a deviné ou ce qu’elle a appris par hasard, et je crois vraiment que cette discrétion suppose trois jolies qualités : la bonté, la délicatesse et la finesse.

Les qualités morales, comme les forces physiques se tiennent ensemble et se font valoir ou se nuisent en s’accentuant les unes les autres. Certes, il serait injuste de prétendre que les bavards sont toujours méchants, et cependant, ils font tant de mal en parlant à tort et à travers, qu’ils sont plus souvent malfaisants que les vrais méchants qui n’essaient de nuire qu’à leurs ennemis.

La discrétion est rare, parce que, loin de la cultiver chez les enfants, on a le tort d’encourager le bavardage, le « rapportage » et la délation. On élève ainsi en serre chaude les commères, les médisants et les vils délateurs.