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Il nous manque la lumière claire et dure qui taille les ombres comme un couteau, et devant tout ce blanc qui s’étend entre le ciel et la terre, on finit par douter qu’elle existe. La lumière qui manque à nos yeux manque aussi à notre âme, nous sommes vraiment au pouvoir de la main molle qui détache les liens de la vie ! C’est à ces heures que nous disons : « À quoi bon ? » à toutes les sollicitations du devoir ou de l’amitié. À quoi bon faire cette visite, répondre à cette lettre, m’occuper des autres, me préoccuper de mes affaires ? Lâchement, nous désirons ne rien faire jamais ! Et nous n’avons pas honte d’être si lâches, pas plus que nous nous en louons… tout nous est si égal, si absolument égal !

Et pendant que nous nous enfoncions dans cette somnolence plutôt agréable, nos amis ont eu du chagrin, nos voisins ont été malades, les nôtres ont cherché notre aide, et nous n’y étions pas… notre âme dormait et notre corps engourdi ne voulait pas bouger.

Mes amis, en généralisant ainsi, je calomnie quelques-uns d’entre vous qui sont forts et sages, et qui sourient de pitié en apprenant, par moi, que de pauvres petites personnes ont la faiblesse, par les jours de neige, de laisser entrer dans leur âme des tentations de tristesse et de mollesse qui tuent en elles toutes les forces actives.

Je salue ces forts et ces sages, ce n’est pas pour eux que j’écris, mais justement pour ceux qui ont vu tomber trop de neige pour