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dira les trésors de vérité contenus dans les lettres déchirées qui ne partent jamais !

J’ai la curiosité de ces pauvres sacrifiées, et je sens que nous perdons là ce que l’âme humaine a de plus profond et de plus précieux : la vérité incapable de feindre, et de se taire plus longtemps ! C’est misérablement vrai que notre vie se passe à habiller, à parer ou à grimer la vérité de nos âmes, de telle sorte qu’elles sont toutes, les personnages masqués de l’immense tragi-comédie commencée dès que nous avons l’âge de raison, — l’âge de mentir — jusqu’à l’heure où la mort nous arrache notre masque.

Les êtres les plus sincères ont des réticences, des délicatesses, des calculs, des prudences excessives, des prévoyances inquiètes qui les rendent muets quand il faudrait parler, que d’autres âmes souffrent de leurs silences, et qu’elles-mêmes se désolent de ne pas dire leur pensée.

Et quand les esclaves volontaires de la vie artificielle que nous acceptons servilement n’en peuvent plus, ils saisissent leur plume et écrivent d’abondance, fiévreusement, les mots qui résoudraient tant d’énigmes et qui rendraient claires tant de situations vagues et pénibles. Les femmes me comprennent bien. Laquelle n’a pas été tentée, de temps à autre, de descendre des planches où elle joue son pauvre petit rôle, avec tant de lassitude et tant de dégoût de la grande blague universelle ?