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ville ont l’avantage d’être à portée des bibliothèques, des conférences, des beaux concerts… mais encore, faudrait-il voir comment elles profitent de cet avantage, si elles ne dédaignent pas ce que vous enviez si fort, si elles apprécient ce que vous regrettez tant ?

Croyez-moi, ma petite amie, ne vous laissez pas « moisir » : vous n’en avez pas le droit et cela ne doit pas être amusant ! Vous êtes intelligente, faites-en profiter les autres : si toutes les personnes intelligentes de votre petite ville en font autant, voilà tout trouvé un cercle de connaissances agréables.

Vous n’avez pas à votre disposition une bibliothèque publique, mais vous pouvez facilement, et à peu de frais, vous en former une où vous réunirez le génie, l’esprit, la poésie des meilleurs auteurs : chaque livre choisi avec amour, deviendra votre ami et votre maître, souvent un conseiller utile, toujours une distraction aimable. Chaque volume sera un petit bonheur nouveau qui entrera chez vous, qui y habitera, que vous retrouverez quand les autres s’évanouiront. Et non seulement vous aurez des livres, petite bienheureuse, mais le temps de les lire, de les relire, de les rêver, de les apprendre. Vous avez le temps de vous sentir vivre : vous n’êtes pas emportée, roulée, bousculée par la vie pressée qui court toujours, en chavirant tout sur son chemin.

Puisque vous devez l’habiter, cette ville, à laquelle vous mettez un masque vilain,