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On les aime toujours, en y pensant peu, — comme font parfois les amis, — mais que les jours seraient vides s’ils cessaient de sonner, et quelle catastrophe annoncerait leur silence !

Toujours ils ont commencé et clos nos journées et que de morts leurs tintements tristes nous annoncèrent ! Et quand notre tour sera venu de partir, un soir, à l’Angelus, les glas le diront à ceux qui restent, et, comptant les coups, ils murmureront : « C’est une femme » ! Ils ne sauront pas si vous étiez jeune ou vieille, les morts n’ont pas d’âge, mais ils prieront peut-être pour la morte inconnue dont les glas pleurent dans le soir.

Ô chers Angelus, je vous aime dans les villes, quand vos voix, s’envolant des hauts clochers, se croisent au-dessus de nos petites agitations ! Vous essayez de nous rappeler aux seules réalités, mais si peu vous entendent et comprennent votre langage !

Je vous aime davantage encore loin de la fièvre et du tapage. Je vous aime à la campagne, quand nos voix adoucies nous arrivent des montagnes voisines, et qu’à chacune on peut donner son nom. C’est celle de Piémont qui chante en bas, et celle de Sainte-Adèle si haut perchée, et dans le lointain, au nord, celle de Sainte-Marguerite reconnaissable encore… et, des clochers très éloignés, une rumeur harmonieuse nous avertit que là comme chez nous, c’est l’heure de l’Angelus.

Et à la campagne, mes amis, ce n’est pas