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tableau était charmant et le silence apaisant, et cependant, une étrange angoisse en sortait, et des larmes de fond d’âme, de celles qui brûlent les paupières, m’empêchaient de voir la beauté parfaite autour de moi.

Comment ne pas penser que ce même soleil si doux éclaire des champs de bataille et des scènes de désolation, et que sur les feuilles mortes de là-bas, au même parfum sauvage, des morts, par centaines, sont couchés, avec de grands yeux ouverts qui regardent le ciel sans le voir !

Dans l’automne de France, aussi charmant que le nôtre, les voix des mères emplissent l’espace de leur douleur, pendant qu’agonisent leurs fils dont le sang ensanglante le sol !

Et il y a des semaines que dure cette horreur, et elle continuera des mois encore !

Oppressés par cette angoisse grandissante, il semble que nous soyons immobilisés dans l’attente… l’attente d’une victoire lointaine, l’attente d’une défaite possible… et toujours ils se font tuer, là-bas, dans l’automne gris et doux !

Mais perçant la tristesse accablante, une voix claire s’est élevée dans mon âme : elle prie et commande, elle blâme et pardonne, et son accent impérieux et touchant fait cesser les larmes inutiles pour indiquer le devoir qui s’impose à vous, à moi, à nous toutes !

Les Françaises ont donné à la Patrie tous