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côté, tous ont des branches sèches et souffrent du manque d’air et d’espace. Aucun n’arrivera jamais au développement gracieux et symétrique de l’arbre isolé qui reçoit de chaque saison sa part de soleil. Il est fort et superbe parce qu’il a sa vie propre, sa beauté personnelle.

La nature féminine a plus de chance d’acquérir de la force et de l’originalité si elle s’éloigne des foules qui suivent sans les discuter les décrets de la mode et du snobisme.

Étant donné qu’une jeune fille a le goût d’acquérir une culture intellectuelle ou artistique au-dessus du niveau ordinaire, elle a dans sa petite ville plus de loisirs pour étudier et plus de chances de réussir qu’une jeune fille douée des mêmes aspirations dans une grande ville.

Cette dernière a si peu de temps ! Sa vie est encombrée : la diversité de ses obligations et de ses distractions, le contact avec tant d’autres vies, tout ce qu’elle voit, tout ce qu’elle entend, tout ce qu’elle recherche et tout ce qu’on lui impose lui communiquent une activité fiévreuse, énervante et peu féconde. À la fin de chaque semaine comme au bout de chaque journée, elle constate qu’elle s’est agitée et fatiguée sans aucun résultat visible. Elle se disperse : son attention, son temps, ses forces, tout cela s’émiette, s’envole en parcelles et il n’en revient que de la lassitude.

Il est vrai que les jeunes filles de la grande