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nation est portée… tant pis pour la justice et l’esprit évangélique ! C’est là le moindre de leurs soucis.

— Je sais qu’il y a du vrai dans tout ceci et c’est le côté petit et laid de la vie des petites villes. Mais il y en a un autre, et nous allons voir ensemble si votre vie grise ne peut s’illuminer par certains côtés et devenir ce que vous souhaitez : active, vivante, utile à vous-même et aux autres.

Et d’abord, je vous prie d’examiner si les jeunes filles de la grande ville profitent autant que vous vous l’imaginez de la vie intellectuelle plus large, si leur goût artistique s’y forme davantage, si elles sont en un mot supérieures à leurs sœurs des petites villes ? Moi qui ai de l’expérience, je puis vous répondre, non pour déclarer les unes supérieures aux autres, mais pour vous assurer que ce qui fait le plus grand charme de la femme… une forte vie intérieure, une personnalité accentuée, ont plus de chances et d’occasion de se développer dans une vie moins factice et plus paisible que la vie des grandes villes.

Je suis d’avis que l’espace, l’air et la lumière sont aussi nécessaires aux âmes qu’aux arbres. Vous avez vu dans les forêts des massifs de petits arbres pressés ensemble ? Ils se nuisent, les plus gros étouffent les plus petits qui se vengent en les gênant à leur tour : leurs branches s’enchevêtrent, quelques-uns ne reçoivent le soleil que d’un