Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, cinquième série, 1922.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cordialement attentifs l’un à l’autre. Quand dix heures sonnèrent, il se leva prit son chapeau, hésita, fit trois pas, revint, et prenant son cou rage à deux mains : — Il n’y a rien pour retarder notre mariage, Charlotte, si vous fixiez le jour ? — Elle eut un choc : interdite, étourdie, il lui sembla que la parole l’abandonnait, mais tout à coup, elle vit clairement que ce mariage était impossible, et elle le lui dit bien doucement : elle l’estimait bien, mais jamais elle ne pourrai ainsi abandonner son Georges, elle était sûre que lui ne se serait pas remarié si elle fut partie la première. « Et, j’ai l’impression, ajouta-t-elle, que vous éprouvez la même chose que moi : nous ne serons pas heureux. » — Il ne dit ni oui, ni non, il tournait son chapeau. Enfin, lui tendant la main : — Nous avons le temps d’y réfléchir, vous changerez peut-être d’idée ? — Et il partit, la laissant un peu dépitée qu’il ait pris son refus si tranquillement.

Deux jours après, la voisine de Madame Goderre, n’y tenant plus, arriva avec son tricot pour une « petite jase. » Toute frétillante de curiosité, elle avait à peine enlevé son chapeau qu’elle félicitait son amie et lui demandait à quand le mariage. — Jamais, répondit la veuve. C’est vrai que Joseph Brisard m’a demandée, mais j’ai refusé : je ne puis me décider. Je passerais ma vie à me tourmenter et à me dire que Georges m’accuse d’infidélité…