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Ayons pitié de ces malheureuses qui s’isolent volontairement dans la vie parce que la vie les a blessées… elles n’ont rien compris : ni Dieu ni la vie ni leur propre nature, et ne nous plaignons pas trop des devoirs impérieux qui nous arrachent péniblement à nos chagrins. Ils sont un dérivatif bienfaisant et ils sont extrêmement utiles au maintien de notre santé morale.

Nous sommes trop portées à nous croire un centre auquel tout doit se ramener. Soyons un centre, soit, mais un centre qui, au lieu d’absorber les rayons, les répande au dehors. Les instincts d’égoïsme auxquels nous cédons, quand nous nous désintéressons de nos devoirs immédiats, ont vite fait de nous aveugler et de nous affaiblir ; nous ne voyons plus ce que les nôtres ont droit d’attendre de nous, ou, le sentant vaguement, nous n’avons pas la force de le leur donner.

Et pendant que nous empoisonnons notre âme de nos chagrins, d’autres âmes, dont nous ignorons les appels, s’en vont sans guide dans des voies détournées, et des enfants dont la mère est vivante sont abandonnés comme des orphelins !

Cette misère, je l’ai vue et j’en ai été navrée. Les mères n’ont pas le droit ni le temps de s’absorber dans la douleur ! Elles doivent leurs larmes comme tout le reste aux enfants qui leur ont été confiées.

Le seul grand malheur réel, c’est de permettre à son âme de s’égarer dans un étroit