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rance de la douleur chez les autres, nous la trouvons, sous une autre forme, dans notre propre douleur. Avec quel soin jaloux nous la gardons, comme il nous semble qu’elle soit profanée par les sympathies banales : nous la tenons cachée comme un trésor terrible et précieux que nous aimons.

Et voyez quel regret poignant nous éprouvons, presqu’un remords, quand, fatalement, avec le temps, notre douleur nous quitte, que les traits de ceux que nous avons tant pleurés s’effacent et que nous pouvons, sans trembler, relire des lettres qui furent un jour pour nous des messagères de vie ou de mort. C’est donc que la douleur est un de nos biens ? Elle éveille ce qu’il y a de plus caché, de plus mystérieusement bon dans nos âmes et nous lui rendons une sorte de culte.

J’ai pensé à cela hier après avoir rencontré une personne qui m’expliquait fébrilement tous les moyens qu’elle prenait pour se distraire d’une perte douloureuse… elle m’a paru anormale, je lui voyais une âme pauvre et j’en avais pitié, de cette pitié un peu méprisante que nous inspire le mendiant qui refuse du travail.

Savoir souffrir, savoir être heureux, c’est vivre tout entier avec son âme et selon la volonté de Dieu qui a créé pour nos âmes la profondeur du bonheur et de la douleur.

Je le sais, tous nous redoutons la souffrance et nous cherchons à l’éviter, c’est