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chose reste au fond de nous qu’il aurait été bon et bien de dire mais que nous avons retenu par une pusillanimité que nous décorons du nom de prudence. La sincérité fait la force et le charme des relations d’amitié et de l’intimité familiale, et si tant de ces liens d’affection sont fragiles c’est parce que nous n’osons pas être sincères.

Enfin, nous n’osons pas être nous-mêmes : nous nous donnons pour ce que nous ne sommes pas et ce que nous avons de plus délicat, de plus profond et de plus vivant en nous, nous le cachons derrière des paroles vaines et des gestes puérils. Pourquoi dissimuler ainsi nos meilleurs sentiments, nos tendresses, nos pitiés, nos vertus ? Si nous osions être constamment nous-mêmes, tout irait mieux dans le monde et des abîmes de désunion seraient comblés

Mais nous ne nous permettons même pas d’être nous-mêmes, vis-à vis de nous-mêmes ! Avec une persévérance inexplicable nous décourageons le divin en nous. Nous réprimons nos élans de générosité et d’affection avec une dureté inflexible qui finit par user ce que nous avons d’exquis dans l’âme. Pour cultiver l’animosité et refuser le pardon nous faisons intervenir l’orgueil et la rancune, et en invoquant le sordide intérêt, nous prétendons que la raison nous défend d’être généreux : peu à peu, à force d’avoir fait taire les vertus dont Dieu nous avait dotés, nous cessons vraiment d’être