Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, cinquième série, 1922.djvu/79

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parlons avec un sentiment vrai inspiré par notre bonté qui est touchée, mais combien de fois notre bonté va-t-elle au delà des paroles ? Elle ne sait pas se transformer en activité et en secours efficace, arrêtée, le plus souvent, par la timidité qui nous paralyse. Et je crois que lorsqu’il s’agit de souffrances morales, nous osons encore moins que devant la misère matérielle, nous approcher de cette vie triste ; nous ne faisons rien pour gagner la confiance d’un être qui ne se plaint pas mais que nous devinons écrasé sous son trop lourd fardeau. Le cœur débordant de compassion et de sympathie, nous laissons tomber des paroles banales ou froides, comme si, ce qui, en nous, est bon et aimant était enchaîné et incapable de se manifester !

Qui donc, en jetant un regard sur sa vie, n’y trouve pas le remords, ou au moins le regret, de ce qu’il aurait pu faire et n’a pas fait, de ce qu’il aurait dû dire et n’a pas dit ? Et l’heure s’est envolée avec l’occasion d’être secourable. Nous n’osons pas davantage être sincères. Nous le sommes peut-être dans le sens de ne pas mentir. Mais cela suffit-il ? Sommes-nous entièrement sincères avec les autres, le sommes-nous toujours avec nous-mêmes ? Entre le mensonge que nous écartons avec mépris et l’absolue sincérité où l’âme s’ouvre toute grande, il y a place pour tant de demi-vérités ! Nous parlons, nous écrivons avec une grande circonspection, et presque toujours, quelque