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fenêtre, l’image de nos luttes pour tenir contre tant d’obstacles et tant de contretemps, et il nous semblait revivre les heures où nous avions été près du découragement.

Se décourager, cesser de lutter, renoncer à tout le bien que l’on a désiré pour se plonger dans l’inaction et la tristesse, c’est pourtant la seule chose absurde et que repousse vaillamment une âme fière. Rentrer en soi est bon pour recueillir les forces que nous avons, mais ce retrait de l’âme ne doit pas se faire dans la tristesse qui ne recueille que nos faiblesses et ne fait sortir de nous que l’égoïsme et l’amertume. À caresser ses propres douleurs en s’y absorbant, on oublie trop la grande misère du monde : il y en a tant qui sont plus malheureux que nous, dans l’impossibilité où ils sont de trouver en eux et hors d’eux une issue pour échapper à leur misère morale et matérielle.

Quoi qu’il arrive, chères petites sœurs accablées qui m’écrivez, il faut essayer de tenir sa tête au-dessus des vagues, et si l’on ne sait pas nager savamment, se débattre et lutter sans relâche afin de ne pas enfoncer ! C’est le propre des âmes bien vivantes de ne pas s’abandonner, de ne pas dire, « la lutte est impossible, » et toujours elles finissent par réussir, reconstruisant sans cesse un idéal nouveau, tendant infatigablement vers lui, employant leur intelligence et leur volonté à vivre, pleinement et utilement, puis-